samedi 10 mai 2014

Le travail

Comment arbitrer entre travail et temps pour soi ?

Nous vivons dans une société qui s'est construite essentiellement autour des valeurs du travail. La cohésion de la communauté repose sur l'engagement de tous dans l'effort pour produire les ressources nécessaires à sa survie. Cela fonctionne relativement bien tant que ce type d'économie génère de la croissance. L'effort de tous apporte plus de confort matériel que la somme des contributions individuelles. Un peu comme avec une machine à sous, je mets 10 et je reçois 20.
On retrouve encore aujourd'hui ce modèle dans les entreprises en têtes du classement "Best place to work". Issues des nouvelles technologies, comme Google, elles affichent généralement des taux de croissance à deux chiffres. Si vous êtes passionné de nouvelle technologie (ou toute autre activité en développement) et prêt à consacrer la majorité de votre temps au service de votre entreprise, votre travail devrait continuer à être très satisfaisant et vécu davantage comme une opportunité que comme une contrainte. Pour les autres les temps sont plus difficiles qu'avant. Vous avez probablement le sentiment de donner 10 et de ne recevoir que 8 en retour. Donc plus vous travaillez plus vous avez le sentiment d'être perdant. Votre seul motivation est alors de conserver un travail qui, au quotidien, vous donne le sentiment de vous faire avoir. Le serpent se mord la queue.
Vu comme cela il semble évident que le moment est venu de prendre un peu de distance avec son travail et d'investir davantage sur des sources de plaisir extra-professionnelles. Encore faut-il dompter ses peurs de perdre son emploi et gérer sa culpabilité au moment de partir plus tôt de son lieu de travail. Cela passe aussi par négocier avec sa famille de consacrer moins de temps aux autres et penser davantage à soi. Autre difficulté, vos loisirs doivent ne pas coûter trop cher puisque vos revenus en toute logique resteront au mieux les mêmes. Accepter de travailler moins pour gagner autant et trouver de nouvelles sources de satisfactions dans sa vie est le principal challenge de notre époque, marquée par le déclin du modèle économique industriel qui a fait le "succès" de la deuxième partie du 20ème siècle.
Le point de vue spirituel du rapport au travail est une alternative qui mérite d'être regardé de plus près en ces temps difficiles sur le plan matériel. Il repose  sur la recherche d'une toute autre satisfaction. Notre épanouissement et le sens de notre vie seraient liés à notre capacité à "être" plutôt qu'à "faire". L'activité elle-même est moins importante que l'état d'esprit, votre "état d'être" plus exactement, dans lequel vous la faite. La proposition consiste à faire de chaque seconde un moment de pleine conscience. Vous n'investissez plus votre travail d'un désir d'argent ou d'intérêt professionnel particulier mais vous en faites l'opportunité d'expérimenter le meilleur de votre "être". En d'autres termes vous utilisez votre temps de travail pour pratiquer une sorte de méditation en mouvement. Vous invitez la pleine conscience dans votre travail. Chaque réunion, chaque mail, chaque dossier est l'occasion d'exercer sa capacité à goûter le moment présent, dans le calme et la confiance, sans se soucier de ce qui se passera dans une heure ou demain. Juste vivre chaque seconde pleinement et intensément. Certes cela nécessite un peu d'entraînement. On ne passe pas facilement d'un état de pression sur le résultat de son travail à un relatif détachement où la qualité du ressenti (l'être) prime sur la performance (le faire). Mais reconnaissez que c'est une formidable opportunité d'utiliser un temps contraint et de le transformer en moment de bien-être. Si vous avez la "chance" d'avoir un travail relativement répétitif et ennuyeux cela sera probablement plus facile d'y pratiquer la pleine conscience. Vous modifierez progressivement votre regard sur votre quotidien pour en faire un espace privilégié de lâcher prise et de détente.
Si vous exercez une activité stressante ce sera un peu plus compliqué car votre mental est souvent en ébullition. Il vous déstabilise à tout moment en vous envoyant de multiples injonctions souvent paradoxales du type "sois très investi dans ton travail mais pense à toi", "si ce n'est pas pour faire les choses parfaitement il vaut mieux ne rien faire", "tu dois réussir mais n'espère pas grand chose de ton employeur"... L'état de pleine conscience passera par apprendre à vous dissocier de votre mental. Le cerveau continuera à vous envoyer des messages de ce type mais vous y prêterez de moins en moins d'attention, comme un bruit de fond permanent. Vous pourrez alors prendre conscience du pouvoir du moment présent. Vous ferez les mêmes activités qu'avant, peut être moins vites mais tellement mieux et dans le respect de vous même. Cette qualité d'être rejaillira aussi sur ce votre relation aux autres. Vous ne participerez à la pression ambiante. Au contraire votre calme vous apportera davantage de lucidité. Vos avis seront davantage pris en compte. Votre "présence" sera appréciée sans que les autres ne sachent réellement pourquoi. La pleine conscience et le pouvoir du moment présent sont donc compatibles avec toute activité professionnelle, seulement ils vous inviteront à ne plus penser au passé ni à l'avenir mais uniquement à profiter de l'instant.

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