S'il est un sujet sur lequel notre civilisation s'est bien trompée c'est celui des enfants. Sous prétexte qu'ils s'expriment avec un langage très limité pendant le premières années de leur vie les adultes ont décrété qu'ils ne savaient rien, qu'ils naissaient sans connaissance et sans conscience. Cette vision des choses est perpétuée encore aujourd'hui par des parents aveuglés par leur désir de jouer à la poupée avec un petit être "trop mignon". Pendant des siècles les couples ont donné naissance à un enfant avec la seule perspective d'avoir davantage de main d'oeuvre pour nourrir la famille ou dans l'espoir de faire un mariage financièrement fructueux. Dans la société dite moderne, l'enfant est devenu le moyen de s'offrir un jouet vivant grâce auquel nous allons combler tous nos désirs. Désirs de maternité ("Je suis devenu une femme à la naissance du premier"), de reconnaissance ("Il m'a appelé Maman !"), d'amour ("Tu fais un bisou à ton Papa !"), d'autorité ("Viens ici"), de sens ("Ma fille c'est toute ma vie !"), de réussite ("Mon fils entre à HEC")... autant de sources de plaisirs égocentrés où l'enfant n'est qu'un prétexte pour combler les manques existentiels de ses parents.
Et puis un jour l'enfant grandit. Il réalise qu'il est une personne différente de sa mère et de son père. Il comprend que depuis sa naissance il est contraint à se conformer aux désirs de ses parents, une soumission exercée par tous les moyens possibles. Il est partagé entre l'envie d'être enfin lui-même et la peur d'être rejeté s'il arrête de jouer le rôle qu'on lui a assigné. Cela se produit généralement vers 15 ans, à l'âge où l'enfant se sent suffisamment fort physiquement pour ne plus craindre les violences parentales. Avec l'arrivée de "nouveaux parents" plus attentifs et à l'écoute, on peut observer ce phénomène chez des enfants plus jeunes capables de s'exprimer librement et de s'opposer avec calme mais fermeté aux diktats familiaux ou de la société.Récemment un jeune américain a créé le buz en expliquant avec des arguments très convaincants pourquoi il avait demandé à ses parents de ne plus aller à l'école et ainsi se donner une chance d'être heureux dans la vie. Malheureusement tous les parents ne réagissent pas comme ceux de ce jeune homme et préfèrent une nouvelle fois s'opposer à leur adolescent et le soumettre à leur propre besoin de sécurité ("Tu feras ce que tu voudras quand tu auras fini tes études !"). Les conséquences de ce non respect de l'être profond des enfants sont dramatiques. Les plus grands crimes contre l'humanité se font chaque jour en toute bonne conscience dans l'intimité des familles. Car un enfant qui n'est pas respecté dans son ressenti se transforme progressivement en adulte soumis, démuni face à l'existence et la plupart du temps dépressif. Et ce sont ces adultes anxieux et malheureux qui a leur tour deviennent parent, reproduisant à l'identique les comportements abusifs dont ils ont été eux mêmes victimes.... et ainsi de suite.
Dans son livre "Le prophète", le poète libanais Khalil Gibran, auteur particulièrement éclairé, expliquait dès 1923 pourquoi "Nos enfants ne sont pas nos enfants". Ses qualités de pleine conscience lui ont permis de mettre en lumière une toute autre compréhension de la naissance. Les parents ne seraient que des géniteurs. L'enfant arriverait au monde avec sa propre conscience, voire sa propre histoire, totalement indépendamment de celle de ses parents. Depuis différents tests de personnalité ont objectivement démontré que le tempérament et les préférences de vie d'un enfant n'étaient pas liés à l'hérédité mais le fruit du hasard le plus complet. En France Françoise Dolto, après être passée par les méandres intellectuels de la psychanalyse, a fini par limiter son message au seul respect de la volonté de l'enfant dès sa naissance.
En pleine conscience il devient naturel de respecter inconditionnellement toutes les formes de vie puisque nous faisons partie d'un même ensemble. Si nous faisons abstraction des jugements automatiques de notre mental nous ressentons qu'il est profondément naturel d'aimer la nature et les êtres vivants. Avec les enfants c'est la même chose. Ils font partie du processus de la vie, un processus universel qui dépasse totalement l'égo des parents et leurs désirs individuels. L'enfant est là par le pouvoir de la vie pas celui des parents. Voilà pourquoi nos enfants ne sont pas nos enfants. Ils arrivent avec leur propre "être", sans autre explication logique que de manifester la vie sur le plan visible. Nous ne savons donc rien de cet enfant qui vient de naître. Une seule chose est sûre, il n'est pas là pour faire plaisir à ses parents. La mission d'un adulte n'est donc pas d'élever leur enfant dans le sens du dressage mais d'élever un enfant dans le sens de révéler tout le potentiel de vie qui est en lui. Sur le plan pratique c'est extrêmement simple. Il suffit de le respecter inconditionnellement en l'écoutant et en prenant en compte son point de vue, comme nous le ferions avec un adulte. L'arrivée d'un premier enfant c'est une troisième personne qui occupe l'appartement. Il faudra apprendre à la découvrir, à l'écouter, patiemment au début car elle s'exprime difficilement (des sourires ou des pleurs) et à respecter sa volonté. Cela nécessite de grandes qualités relationnelles (les mêmes que vous utilisez peut-être déjà dans votre couple, avec vos amis ou votre activité professionnelle). Vous l'aiderez à faire ses premières expériences mais très rapidement il saura vous expliquer ce qu'il souhaite (la poussette ou marcher, le football ou rester devant la télé, faire des études ou partir à l'aventure, etc.) et vous respecterez ses choix car vous saurez qu'il est le seul à ressentir profondément ce que la vie lui inspire de faire. En accompagnant de cette manière votre enfant vous entrerez en contact avec votre propre pouvoir. Cette nouvelle énergie vous invitera à vous respecter davantage vous-même et, à votre tour, de vous laisser guider par votre ressenti profond en faisant abstraction des obligations sociales ou familiales. Si les adultes apprenaient à vivre selon leur propre conscience il y aurait certainement beaucoup moins d'enfants sur la planète (nous sommes trop nombreux pour arriver à créer davantage d'amour que de peurs) mais ces enfants grandiraient dans la lumière et la confiance, sans autre perspective que de célébrer la vie.
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